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Comoresdroit. a 16 ans

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Comores-droit a 16 ans

29 janvier 2009 – 29 janvier 2025 : Comores-droit a 16 ans

Evolution de l’organisation juridictionnelle

Publié le 15/04/2010 à 11:14 par comoresdroit
Alors que la grève des magistrats et des greffiers se poursuit au Palais de justice de Moroni, je vous propose des extraits du rapport sur la reforme de la justice dans l’Union des Comores, établi en juin 2009 par Pierre WEISS, expert principal en Bonne Gouvernance. Je vous présente ce jour, la partie consacrée á l’évolution de l’organisation juridictionnelle et une autre partie portant sur les performances des juridictions comoriennes.

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Evolution de l’organisation juridictionnelle

En matière d’organisation judiciaire les textes de référence les plus récents sont les lois n.87-021 du 23 septembre 1987 et n.05-016/AU du 20 décembre 2005, cette loi devant être appréciée au regard des dispositions de la Constitution de l’Union des Comores du 23 décembre 2001.

La loi du 23 septembre 1987 « fixant l’organisation judiciaire de la République Fédérale Islamique des Comores ainsi que les principes fondamentaux applicables aux litiges de droit privé » avait prévu les juridictions suivantes : une Cour Suprême, une Cour Supérieure, une Cour d’Appel, une Cour d’Assises, des Tribunaux de Première Instance (TPI), des justices de paix et des Tribunaux du travail. Il était précisé que si la Cour d’Appel et la Cour d’Assises statuent en forme collégiale, le Tribunal de première instance et le juge de paix statuent à juge unique (art.5). Le Tribunal du travail, le Tribunal de première instance siégeant en matière coutumière ainsi que les justices de paix sont complétées par des assesseurs. L’article 6 rappelait le principe fondamental de la motivation des jugements « à peine de nullité ». La même loi assignait aux cadis un rôle spécifique et limités dans les domaines relevant du droit des personnes et de la famille, qui sont régis par le droit musulman : celui d’être « désignés comme rapporteurs » devant les juridictions comoriennes appelées à statuer en la matière.

La loi n.88-017 du 30 décembre 1992 relative au fonctionnement des juridictions des Comores se limitait en fait à préciser les règles de fonctionnement de certaines des juridictions prévues par la loi n.87-021 du 23 septembre 1987, à savoir la Cour d’Appel, la Cour d’Assises, les TPI et les justices de Paix. De fait la Cour Suprême, la Cour Supérieure et les Tribunaux du travail dont la création avait été prévue par la loi du 23 septembre 1987 n’ont pas vu le jour, ainsi que cela a déjà été rappelé…L’art.2 de la loi n.88-017 prévoyait une Cour d’Appel unique siégeant à Moroni et dont le « ressort s’étend sur l’ensemble du territoire national ». La Cour d’Appel des Comores connaissait les appels formés contre les décisions rendues en premier ressort par les TPI, les Justices de Paix, les Tribunaux du travail « ainsi que les organismes juridictionnels à caractère administratif » (art.3).La structure de la Cour d’Appel, divisée en diverses Chambres (civile, commerciale et sociale ; correctionnelle ; accusation) était similaire de celle de son homologue française. L’article 11 de la loi réaffirmait le principe de la collégialité de la Cour d’Appel en rappelant que « les arrêts sont rendus par trois magistrats, président compris ».

La loi du 30 décembre 1992 précise par ailleurs le fonctionnement de la Cour d’Assise. Elle est composée d’un Président de deux magistrats assesseurs, de quatre jurés, d’un représentant du Ministère public et d’un greffier en, chef. Les magistrats et le représentant du Ministère public sont désignés respectivement par le Premier Président et par le Procureur Général de la Cour d’Appel. Les jurés « sont tirés au sort pour chaque affaire sur une liste (arrêtée annuellement par le Ministère de la justice) de vingt noms comprenant des citoyens âgés de 25 ans au moins, sachant lire et écrire et jouissant de leurs droits civiques et politiques » (art16). On relèvera qu’en dépit d’une formulation très claire de l’art.13 de la loi qui prévoit la possibilité de faire siéger la Cour d’Assise au sein d’un autre Tribunal (« La Cour d’Assises siège à Moroni. Toutefois, pour une bonne administration de la justice, son siège peut être transféré au chef-lieu d’un autre Tribunal, si les circonstances l’exigent. ») et malgré la création ultérieure d’une seconde Cour d’Appel à Mutsamudu (Anjouan), la Cour d’Assises n’a tenu de sessions qu’à Moroni.

Les Tribunaux de Première Instance (TPI) siègent au chef-lieu de chaque île mais ils peuvent également organiser des audiences foraines (art.24). Lorsque le TPI statue en matière coutumière (droit des personnes et de la famille) le Président est assisté de deux assesseurs cadis dont l’un fait fonction de rapporteur (art.27).
L’art.27 de la loi instituait au sein du TPI une chambre sociale « dite Tribunal du Travail ».

La loi n.88-017 précisait enfin les attributions et l’organisation de la justice de paix. Une ou des justices de paix étaient instituées dans chacune des 15 préfectures des Comores. Composée d’un juge de paix, d’un représentant du parquet et d’un secrétaire greffier la juridiction statuait en matière civile (dans ce cas, le juge de paix est assisté de deux assesseurs cadis) ainsi qu’en matière de police (le juge de paix est alors juge unique). En matière civile, la justice de paix traitait en dernier ressort les actions personnelles, mobilières et immobilières jusqu’à la valeur de 250 000 FC et « à charge d’appel devant la Cour d’Appel » les mêmes actions jusqu’à une valeur d’un million de francs comoriens (art.33). Au-delà de cet enjeu financier, c’est le TPI qui était compétent.
La compétence de la justice de paix, dans les limites financières rappelées supra, était quasiment plénière (affaires relevant du « statut personnel, état civil, mariage, dons nuptiaux, filiations, rachats, khol, répudiation et autres séparations entre époux, garde, entretien et éducation des enfants, affaires de succession, donation, testament wakf, magnahouli, affaires d’obligation, actions mobilières et immobilières » précise l’art.34), la seule exception étant les litiges relatifs à un immeuble immatriculé, qui sont automatiquement déférés au TPI , quelque soit l’enjeu financier en balance. L’art. 37 précise que le juge de paix doit procéder à une tentative de conciliation entre les parties ; si celle-ci aboutit, le procès verbal dressé par le juge de paix a valeur de jugement définitif. Dans le cas contraire « l’affaire est portée à l’audience ».

En matière pénale, la justice de paix est compétente en premier ressort pour les contraventions de police, sauf si ces dernières sont connexes à des délits ou à des crimes (dans ce cas ces infractions sont traitées par le TPI ou la Cour d’Assises). En cas d’appel, le recours est porté devant la Cour d’Appel. En cas de constitution de partie civile, le juge de paix « doit statuer sur la peine et sur les intérêts civils par un seul et même jugement » (art.40).
On notera que dans la pratique les justices de paix ne furent établies que sur l’île d’Anjouan (au nombre de 5, ces juridictions étaient toujours fonctionnelles en 2009 en dépit de la loi sur l’organisation judiciaire de 2005, cf. infra) ; en Grande Comore, les cadis traient le contentieux relatif au statut personnel. A Mohéli, le dernier cadi en poste a rejoint l’exécutif insulaire, ce qui perturbe quelque peu le traitement par le TPI de Fomboni des actions relevant du Code de la famille.

Bien que demeurées en grande partie formelles, les dispositions de la loi du 30 décembre 1992 mettaient en place une organisation judiciaire cohérente à tous les niveaux et répondaient à l’impératif d’une justice de proximité, la Constitution de l’Union du 23 décembre 2001 a annoncé l’adoption par une loi organique de l’organisation de la justice dans l’Union et les Iles (art.28). L’art. 29 a institué une Cour Suprême, « plus haute juridiction de l’Union en matière judiciaire, administrative et des Comptes de l’Union et des Iles » en précisant que « les décisions de la Cour Suprême ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent au Pouvoir Exécutif, au Pouvoir Législatif ainsi qu’à toutes les juridictions du territoire de l’Union ». L’art. 29 précisait enfin que la composition et le fonctionnement de la Haute Juridiction feraient l’objet d’une loi organique, mais celle-ci n’a toujours pas été adoptée près de huit ans après l’entrée en vigueur de la Constitution de l’Union… . Par ailleurs, le domaine de la justice, bien que n’étant pas mentionné comme relevant de « la compétence exclusive de l’Union » n’a pas été évoqué dans la loi organique n.05-003 /AU du 1er mars 2005 portant modalités d’application de l’art.9 de la Constitution des Comores et déterminant les matières relevant de la compétence partagée de Union et des îles ainsi que des modalités de leur exercice. La seule précision apportée par cette loi organique résidait dans son art.15 qui énumérait les matières dans lesquelles l’Union était « compétente pour légiférer » (à savoir : droit pénal et procédure pénale ;droit civil ;droit commercial, des sociétés, de la concurrence et des pratiques du commerce ;droit bancaire et de l’assurance ;propriété intellectuelle et industrielle ;droit social, droit du travail ; conditions d’accès aux professions libérales ;statuts des professions juridiques et judiciaires ;droit public).

Cette ambiguïté s’est traduite par la mise en place de Ministère de la justice insulaire à la Grande Comore ainsi qu’à Mohéli (en raison du contexte lié à la chute du régime BACAR en 2008, le Ministère de la justice de l’île d’Anjouan a été supprimé). Cette « ambiguïté » a été levée par la loi référendaire du 17 mai 2009 portant révision de la Constitution de l’UdC, dont l’art.5 ne mentionne pas la justice parmi les matières relevant de la compétence des îles « autonomes » et précise que « les matières autres…relèvent de l’Union », une précision qui ne faisait que refléter la réalité du fonctionnement institutionnel de l’UdC depuis sa création : en fait les Ministères de la Justice insulaires n’ont eu aucune activité, si ce n’est de se mêler des nominations et promotions des magistrats affectés dans chaque île…
La loi organique n.05-016/AU du 20 décembre 2005 relative à l’organisation judiciaire dans l’Union des Comores et dans les Iles énumère dans son art.1 les juridictions : une Cour Suprême, des Cours d’Appel ; des Cours d’Assises ; des Tribunaux de Première Instance ; des Tribunaux de Travail ; des Tribunaux de commerce ; des Tribunaux administratifs et des Tribunaux pour Mineurs. On relèvera que cette loi entérine la disparition des justices de paix mises en place par la précédente loi sur l’organisation judiciaire, qui malgré la possibilité pour les TPI d’organiser des audiences foraines, apparaît tronquée.
L’art.5 prévoit la création d’une Cour d’Appel au chef lieu de chaque île avec compétence sur toute l’étendue de l’île. La juridiction connaît l’appel des jugements rendus en premier ressort par les TPI, les Tribunaux de Commerce, les Tribunaux pour mineurs et les Tribunaux administratifs et du Travail. En cas d’appel des décisions rendues par les tribunaux musulmans, la chambre musulmane de la Cour d’Appel est complétée par des assesseurs Cadis (art.7).Lorsqu’elle connaît des appels des jugements des tribunaux de travail, la formation compétente de la Cour d’Appel est complétée par des assesseurs représentant les employeurs et les travailleurs.
Deux Cours d’Appel sont fonctionnelles en 2009 : à Moroni et à Mutsamudu (Anjouan). Le Cadre organique du Ministère de la Justice a planifié la mise en place de la 3ème Cour d’Appel à Fomboni (Mohéli)
La loi organique du 20 décembre 2005 a prévu la création d’une Cour d’Assises au siège de chaque Cour d’Appel. L’art.13 a modifié la composition de la Cour d’Assises qui comprend désormais six jurés (désignés comme précédemment) ; par ailleurs les deux magistrats assesseurs du Président peuvent être soit des Conseillers à la Cour d’Appel ou « à défaut un ou deux magistrats assesseurs du siège de la juridiction de première instance » (art.13).
S’agissant des TPI, la loi du 20 décembre 2005 pose le principe de la collégialité : « Le Tribunal de Première Instance statue en formation collégiale, de trois membres au moins. Il ne statue à juge unique qu’en cas d’impossibilité totale de réunir ce nombre » (art.29). Par ailleurs a été rappelée la possibilité pour les TPI de siéger en audience foraine, sur l’initiative d’une « délibération de l’Assemblée générale des magistrats du TPI [qui] désigne les lieux ou seront tenues les audiences foraines et arrête le calendrier de ces audiences (art.26)
La loi précise enfin qu’un Tribunal de Travail est institué dans le chef lieu de chaque île.
Les dispositions finales et transitoires de la loi du 20 décembre 2005 d’une part proclament la primauté du droit de l’Union (art.32) et confient au TPI le contentieux administratif, relatif aux droit des affaires ou concernant les mineurs en attendant la mise en place effective des Tribunaux administratifs, de commerce et pour mineurs (art.33).
Quatre ans après l’adoption de cette nouvelle loi sur l’organisation judiciaire, on constatera que la justice pour mineurs a certes fait l’objet de deux lois spécifiques adoptées le 31 décembre 2005 (lois n.05-020/AU relative à l’organisation transitoire des juridictions pour mineurs et n.02-021/AU relative à la protection de l’enfance et à la répression de la délinquance juvénile). Toutefois nombre de dispositions de ces textes demeurent inappliquées (cf. 3.1.2). Le Tribunal du Travail est fonctionnel au sein du seul TPI de Moroni. Enfin ni les Tribunaux de Commerce, ni les Tribunaux administratifs n’ont encore été créés. Quant à la Cour d’Assises, elle ne tient toujours des sessions qu’à Moroni (la dernière session remonte à 2008 avec 6 affaires jugées). Toutefois le constat le plus sévère est celui de la désorganisation judiciaire. La nouvelle organisation judiciaire adoptée en 2005 a de fait supprimé les juges de paix (1 pour chacune des 15 préfectures du pays) qui figuraient dans le texte antérieur, mais qui n’avaient effectivement été mis en place que dans une seule île, celle d’Anjouan ; de ce fait un maillon essentiel du rapprochement de la justice des justiciables fait toujours défaut et de manière exceptionnelle, des chefs de juridiction ont organisé des audiences foraines ; ce fut le cas en 2005 à l’initiative du Premier Président de la Cour d’Appel, qui organisa neuf exercices de ce genre en Grande Comore ( apurement de 200 dossiers) ainsi qu’à Mohéli (une vingtaine d’arrêts) .Par ailleurs le juge de paix devait travailler en étroite relation avec le Cadi , dont les missions juridictionnelles en matière de statut privé (mariage, succession, etc..) ont été réaffirmées par le récent Code de la famille. Cependant les Cadis ne sont réellement et effectivement présents que sur la Grande Comore et à un degré moindre sur l’île d’Anjouan. En revanche il n’y a plus un seul Cadi « opérationnel » à Mohéli. Eparse à sa base l’organisation judiciaire n’a toujours pas de « tête » puisque la Cour Suprême, « la plus haute juridiction de l’Union en matière judiciaire, administrative et des Comptes de l’Union et des îles » (art.29 de la Constitution de l’Union) n’est toujours pas établie près de 8 ans après l’adoption de la Loi Fondamentale de l’Union des Comores ! Cette carence institutionnelle, au-delà de ses effets négatifs sur le déploiement hiérarchique du corps de la Magistrature ainsi que sur la régulation et l’harmonisation des décisions judiciaires, a une incidence directe sur l’indépendance de la magistrature comorienne, proclamée par l’art.28 de la Constitution de l’Union des Comores et garantie par un Conseil Supérieur de la Magistrature, qui n’a pas été à ce jour institué en l’absence de représentants de la Cour Suprême qui y siègent de droit..Dans la pratique la situation équivaut à conférer au Garde des Sceaux un pouvoir sans entrave en matière de nomination et de mutation des magistrats du siège lesquels au surplus n’ont même pas la possibilité effective de contester ces décisions devant le juge administratif en raison du caractère non fonctionnel de la Chambre administrative du TPI et de la non effectivité de la Cour Suprême…

Pierre WEISS, Expert principal Bonne Gouvernance
Extrait du rapport sur la reforme de la justice dans l’Union des Comores (rapport financé par l’Union européenne). Juin 2009